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 Janvier 2010 : Le bonheur d' Emmanuel Darley

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ClairesurTerre
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ClairesurTerre



Janvier 2010 : Le bonheur d' Emmanuel Darley Empty
MessageSujet: Janvier 2010 : Le bonheur d' Emmanuel Darley   Janvier 2010 : Le bonheur d' Emmanuel Darley EmptyLun 4 Jan - 21:27

Bonjour les filles,


En ces temps de grand débat sur l'identité française,
pourquoi personne ne se rappelle que la France est ( ou était ? )
le pays des Lumières,
le pays des Droits de l'Homme ?

" Ils racontent dans quelles circonstances ils sont arrivés et vivent ici, au pays " bonheur " ( ainsi le nommaient-ils, quand ils étaient encore là-bas ).
Ou bien ils rêvent de notre Eldorado et se préparent au grand départ.
Ils savent plus ou moins les conditions, les intermédiaires, les passeurs, les tarifs, les multiples dangers.
Car beaucoup échouent.
Se font prendre ou dépouiller.
Ou meurent en chemin.
" Tu ne parles pas bonheur ? Pas un mot ? Difficile, ça va être pour toi. "
A qui dit-on cela ?
Sokoto ?
Cachemire ?
Ou Karachi ?
Ou Lagos ?

Ils sont clandestins, simples toponymes dans cette histoire qui les écoute ou les prend à témoin.
Et leurs récits convergent,
s'amplifient,
s'entrelacent comme les multiples ramifications du flux migratoire.


Tous ensemble ils forment un grand choeur narratif à la langue bouleversée et puissante,
qui nous invite à entendre la plusation même de leur peur et de leur espoir.
De leur bonheur parfois. "




Le bonheur
d'Emmanuel Darley

Ce court roman ( à peine plus d'une centaine de pages ) ne révolutionne pas le genre, c'est sûr !
Nous avons déjà vu ( " Welcome ", au cinéma )


ou lu ( l'excellent " Eldorado ", de Laurent Gaudé )


de nombreuses variantes sur le sujet.

Mais Emmanuel Darley possède un style saccadé, elliptique qui donne un récit puissant, percutant, à la limite du chaos.
Des bribes de récits d'immigrés en déroute dessinent une parole chorale d'une sensibilité forte et émouvante
et nous placent face à l'injustice de ce monde
et à notre silence complice et honteux.


Il ne s'agit pas ici d'un livre engagé ;
il n'y a dans ces lignes aucune dénonciation politique ou sociale, même pas de jugement moral.


Premier chapitre : Ici.

....." Ton nom ? Mali.
C'est ça ton nom, clandé ? Mali.
Tes papiers. Papiers ? T'as pas de papiers ?
Tu attends là. Là ? Tu t'assieds là avec les autres clandés et tu attends.
J'ai. Tu discutes pas.
Froid. Tu n'as rien à dire. Compris ? Tu t'assieds là et tu attends. "

Ton nom ? Chine.
C'est ça ton nom, clandé ? Chine.
Entre là. Qu'est ce que c'est là que tu as ? Bébé, madame police.
Tu viens ici pour profiter ? Ventre bébé, madame police.
Déshabille-toi. Allez, plus vite.
Ecarte les jambes. Pousse toi plus loin.
Mal. De quoi ? Mal. Quoi, mal ? Mal là, madame police.
Tu discutes pas. Rien à dire, compris ?
On comprend pas ton charabia. Tu t'assieds là et puis tu attends.
Chine. C'est ça, oui.
Ton nom ?
Tu comprends pas quand je te parle ? Ton nom ?
Interprète, viens par là. Ton nom ? Elle dit que c'est Inde son nom. C'est ça ton nom ? Oui, Inde, elle se nomme.
Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
Mari à elle ici déjà, elle dit. Mari ?
Et alors quoi ? C'est beau ici, elle dit.
Tu discutes pas. Tu t'assieds là et tu attends. Merci, elle dit. " ...

Second chapitre : Chemins.

..." Ils sont arrêtés. Passeur qui dit, allez, allez, pas non plus dormir là.
Ils sont fatigués. Passeur qui dit, cette fois on y va, on s'y remet, c'est bien de marcher là, maintenant.
Allez. Sinon, c'est trop tard.
Trop tard ? Jamais trop tard.
Moi qui décide.
Nous qui avons payé.
D'accord mais bon.
Vous avez payé pour quoi ? Pour arriver là-bas, alors vous faites comme je vous dis.
C'est moi qui sais. C'est moi passeur.
Tout le monde debout.
Les enfants sont fatigués.
Tout le monde est fatigué. Moi aussi, fatigué.
Mais j'avance.
Je profite de la nuit pour avancer.
Un bon temps de marche pour avant l'aube passer la frontière. La frontière, vous comprenez ? Frontière de là-bas.Eh oui, là-bas.
Tas de types en faction à surveiller la frontière.
Barbelés.
Lignes électriques.
Miradors.
Matériel haute technologie. Impossible en fait de passer.
Possible, si, bien sur, mais dangereux.
Il faut glisser, ramper, se faufiler dans un trou de souris. " ....

Troisième chapitre : Là-bas.

...." Tu as encore le temps.
Tu es encore petit.
Tu as quoi ? Dix, quinze ans à patienter, à passer ici et puis tu partiras.
Tu prendras la route de là-bas, mon fils.
Prépare-toi, voilà.
Penses-y, oui....
Ne dis pas ça. Ne fais pas comme les autres. Ne suis pas le troupeau mouton.
Détourne donc les yeux.
Je ne veux pas te perdre. Je te préfère ici.
Je te préfère vivant.

Moi, je suis fière de lui. De mon fils. Il s'en va courageux vers là-bas pour nous venir en aide.
Travailler et gagner.
Faire là-bas ce qu'il ne peut ici.
Je suis fière et je lui dit, je suis fière de toi, mon fils. "...

La construction " à l'envers " du roman
( ceux qui sont déjà ici au pays bonheur ; ceux qui sont en route ; ceux qui rêvent de ce "là-bas " miraculeux )
rend ces hommes et ces femmes sans passé et sans nom,
si proches de nous,
si semblables qu'il est presque impossible de ne pas se poser la question : que ferais-je, moi, à leur place ?

La dernière phrase de ce roman ( " Je le garde à l'abri et je m'en vais vers là-bas. " ) me tord le ventre à chaque fois...
je pense à ces mères du bout du monde qui regardent partir leurs fils pour le voyage de la dernière chance....

Il ne s'agit pas,
pour moi,
en vous présentant ce livre de déraper sur le terrain de la politique de l'immigration ;
il faut bien sûr, à un moment, réglementer l'immigration
et il faudrait être fou pour penser que c'est un problème simple à résoudre....

Mais ce petit livre me fait penser qu'il y a quelques soixante ans en arrière,
ma grand-mère a passé la ligne de démarcation, cachée sous des ballots de paille dans un camion bâché....
et que ma mère, alors bébé, a traversé, elle, cachée dans le panier avant du vélo de la boulangère....
parce que " là-bas " il y avait la sécurité, l'espoir, la vie...


Pour finir,
Janvier 2010 : Le bonheur d' Emmanuel Darley Emmanu10
un petit mot sur Emmanuel Darley :
né en 1963 ( excellente année ! )
à Paris,
il est l'auteur de plusieurs romans ,
de nombreuses pièces de théatre,
de publications à l'Ecole des Loisirs
et de différents textes poétiques sur la photo ou la peinture.

_________________
"Un ADULTE créatif est un ENFANT qui a survécu" Ursula K. Le Guin

le https://www.facebook.com/AgimusBoutique/ et le site marchand Agimus Atelier
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