le Charme de la coquetterie

Raffinement,
volupté,
séduction, la coquetterie est aussi un apprentissage de soi.

A l'heure de la rentabilité et des pruouesses tous azimuts, la coquetterie pourrait paraître complètement dépassée.
Mais cet art d' attirer l' attention des hommes avec des recettes à l' ancienne,
à y regarder de plus près,
présente un certain nombre d' avantages.

D' abord c' est un atout exclusivement féminin.
La coquetterie ce n'est pas tout à fait la même chose que la séduction dont usent les politiciens, les publicitaires et parfois même les tyrans.
C' est un jeu raffiné,
une savante mise en scène de ses charmes,
ou de son univers particulier, destinée non seulement aux hommes mais aussi aux autres femmes, et à soi-même.
Elle n'est pas basée sur le mensonge,
mais sur une vérité cachée.
C' est l' art de construire son image.

La coquetterie peut aussi s' avérer encore plus subtile lorsqu' elle devient langage
et permet d' exprimer avec des riens sa vraie personnalité, de faire de ses défauts une forme de singularité.

" On ne peut séduire, dit la styliste A-M Beretta, que si l'on est bien dans sa peau.
Séduire, c'est d' abord se plaire à soi-même."

La coquetterie révèle alors toute sa profondeur derrière son apparente futilité : elle devient en fait une manière de mieux se connaître
et un art de savoir se faire du bien.
La recette est précieuse pour résister aux agressions de la vie.

" C' est d' abord un souvenir d' enfance.
Je me souviens du parfum fleuri, discret mais persistant, de la soeur de ma mère,
une femme toujours élégante, sans excès,
dont j' adorais les colifichets.
Colliers de perle, broches raffinées,
harmonie de couleurs subtiles.
J' éprouvais pour elle une admiration sans fin,
je me demandais toujours comment elle s' y prenait pour dénicher tous ces accessoires apparemment inutiles qui lui allaient merveilleusement bien.

C' est elle qui m' a initiée aux secrets de la féminité.
Ma mère était toujours pressée, expéditive.
Ma tante savait prendre son temps et m' a fait comprendre l' importance de l' intimité.

Savoir se préserver un coin à soi,
décoré avec des choses qu' on aime,
pour mieux se détendre après une journée de travail.
Moi, c' est la salle de bains. J' en ai fait une sorte de salon où je prends mon bain longuement.
Je me pomponne, je soigne mon corps puis je m' allonge sur un sofa et j' écoute de la musique en me reposant.
Mon mari et mes enfants savent qu' il ne faut jamais me déranger quand j' officie dans mon jardin secret.
J' ai réussi à leur faire comprendre ça.
J' adore le linge de toilette moelleux, les bas, les jolies chaussures et les chapeaux.
C' est très facile de me faire des cadeaux : Il suffit de m' offrir des savons parfumés, un mouchoir brodé, je préfère peu de choses mais de qualité."

"Quand je vais à un RDV,
quand je sors avec mes enfants ou mon mari, je réfléchis longtemps à ce que je vais mettre.
Pour mieux être au diapason de leurs goûts, de leur humeur.
Il y a des gens qui ne sont pas du tout sensibles à ça, mais ceux qui comprennent l' intention le prennent comme un hommage."
Nina, 38 ans

Le point de vue d' un homme :

"Une femme qui n' est pas coquette est pour moi une femme incomplète."
Regard d' homme : Philippe Dezprée est photographe.

"La coquetterie, c' est le luxe des femmes capables d' assumer leur féminité.
C' est un charme de plus.
Celle qui n'ose pas plaire, renonce à être tout-à-fait elle-même.

Nous les hommes, nous ne pouvons profiter de tous ces accessoires qu' utilisent les femmes : maquillage, belle lingerie, bijoux, colifichets.
Nous n' y avons droit qu' à travers elles."

Le portrait d' une coquette raisonnable :

Hélène Millerand, psychanalyste et collaboratrice au service culturel de la mairie de Paris s' est penchée avec une certaine tendresse sur les préoccupations des coquettes.

Voici comment elle en dresse le portrait :

" On peut faire une coquette avec peu d' argent,
on n' en fait pas sans loisirs.

On aura compris que son seul vrai luxe,
celui auquel on ne renonce pas, c' est du temps pour soi,
denrée périssable par essence, rare, précieuse,
difficilement compatible avec la réussite,
incompatible avec le goût du pouvoir, souvent assimilé par les ignorants à du temps perdu.

Poudré poivré est son mélange préféré.
La coquette raisonnable est veloutée comme de la poudre de riz,
relevée comme du poivre, c' est vrai pour son parfum, ses tenues et son esprit.

Elle aime ce qui pique et ce qui réveille.

Voilà pourquoi elle met à son revers une fleur flamboyante ou un papillon brillant.
Voilà pourquoi ses souliers sont rouges et ses gants violets.
Indispensables accesoires.
Ils donnent le ton,
relèvent le goût,
font barrage à l' ennui toujours menaçant.

La coquette n' aime pas s' ennuyer..."


Source : Modes & Travaux - Juin 93