Au fait, Mai 68, c'était quoi ?
Une révolte d'étudiants,
un ras-le-bol généralisé, une révolution qui a raté son coup ?
La question peut surprendre : après tout, on croit connaître ces évènements.
Les pavés, la marée humaine dans les rues, la France en grève...
Pourtant, pour toute une nouvelle génération, Mai 68 paraît appartenir à une histoire assez éloignée des préoccupations du moment.
L'air du temps n'est pas plus tendre : on critique le déclin des valeurs entamé, selon certains, ce printemps-là.
Bernadette Costa-Prades a voulu y voir plus clair : dans son livre "Tu te souviens de 68 ?" (éd. Albin Miche), elle dresse le portrait tendre et drôle d'anonymes ou non, du mouvement.
"J'ai été frappée par l'énergie de cette génération, par leur sentiment commun d'avoir vécu une période exceptionnelle, d'avoir enfin pu agir de manière collective.
Pour eux, tout était possible."
Bien sûr, le mouvement libertaire a connu des excès.
Mais la France d'après ne sera plus jamais la même : "Mai 68 a ouvert la porte aux combats des femmes, souligne l'auteur, mais aussi libéré les moeurs, transformé les rapports avec l'autorité, avec les patrons et même les rapports parents-enfants dans la famille."
Un combat collectif
pour une société nouvelle,
mais aussi une prise de conscience individuelle.
Extraits du témoignage de Marielle (monteuse de cinéma) :
En 68, j'avais 24 ans, et déjà mon métier, un mari, même si ce mariage était bohème, et, surtout, une forte conscience politique.
J'étais militante maoïste et, pour le groupe auquel j'appartenais, nous étions en terrain hostile : il y avait les bourgeois et nous, les rebelles. On était contre eux, contre De Gaulle et pour tout ce qui bougeait.
Il y avait déjà des happenings, du théâtre vivant improvisé.
J'étais militante, donc il falait se lever à 6h du matin, marcher jusqu'à une usine à Vitry car il n'y avait plus de transports en commun et discuter avec les ouvriers.
Il y avait les assemblées générales, la distribution de tracts, les réunions, les RDV chez les uns et les autres.
Chaque jour était très riche de rencontres, on était habités par les pensées de Mao, "
Osez penser, osez agir" ou "
Que 100 fleurs s'épanouissent", et on y croyait !
Réponse de sa fille, Salomé (actrice) :
Dire que vous vous êtes battus pour qu'on puisse s'exprimer librement !
Bien sûr, il reste encore beaucoup de combats à mener : par exemple, je suis complètement révoltée par le sort des sans-papiers, notamment des mères d'enfants très jeunes.
Extraits du témoignage de Chantal (attachée de presse) :
Je venais d'avoir 19 ans et j'étais étudiante en droit à Assas, à Paris. D'un milieu bourgeois traditionnel, je devais sembler très BCBG. Ma vie m'apparaissait toute tracée, dans une France étriquée.
En fait, j'étouffais, mais je ne le savais pas.
Si les féministes m'ennuyaient par leur côté anti-hommes, j'ai tout de suite été fascinée par l'écologie et les hippies. Je me suis d'ailleurs présentée sous l'étiquette Verte à Paris en 78 !
On a élevé Julie dans un esprit d'anticonformisme, d'entraide.
Réponse de sa fille, Julie (journaliste) :
C'est quand même à ce moment-là que l'on a compris
qu'il fallait mieux réussir sa vie plutôt que de réussir dans la vie. Extraits du témoignage de Maryse (psychologue) :
J'ai eu l'impression que tout le monde était comme moi, sens dessus dessous, en révolte contre l'ordre établi.
On était dans un pays où l'ascenseur social n'existait pas. Venant d'un milieu ouvrier, je ne pensais pas pouvoir aller à la fac.
La révolution sexuelle, c'était le droit pour nous, les femmes, de nous comprter comme les garçons.
C'est justement ça, le grand acquis de 68. Tout d'un coup,
on a pu être soi-même, sans faire semblant. On s'est mis à discuter de tout, à sortir du carcan de la norme, à oser être soi.
Source : Avantages - Mai 2008